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SYLVIE 
          BONIER: 
          Ruggero Raimondi revient à Genève, mais en solo  
          in Edicom, document de la rubrique 
          'Genève-L'actualité' datant du 13.12.99 
         VOIX - Le baryton 
          bolonais revient à la scène genevoise après treize ans d’absence. 
          
         
		Ruggero Raimondi 
          est toujours aussi gentleman. Généreux de son temps et de ses propos, 
          le baryton italien sait pourtant conserver une réserve sous laquelle 
          on sent bouillir un tempérament entier. Celui qui a osé avouer, mais 
          un peu tard, que le rôle de Malfortune, dans la création de La forêt 
          de Rolf Liebermann au Grand Théâtre en 88, n’était pas pour lui, bien 
          qu’il l’ait travaillé assidûment. Il aura payé cher sa franchise. Cette 
          défection l’a éloigné de la scène de Neuve depuis 1986, où il endossa 
          la bedaine de Falstaff pour la première fois. Ensuite, le silence.   
         
         Le revoici en récital 
          avec orchestre, pour le début d’une tournée suisse qui passera par Lucerne, 
          Bâle, Berne et Zurich. Avec le chef Sergio La Stella et l’Orchestre 
          Philharmonique du Wurtemberg à Reutlingen, il vient interpréter des 
          airs tirés d’œuvres de Donizetti, Mozart, Verdi et Rossini, sous une 
          étiquette italienne. On attendait un petit clin d’œil donjuanesque dans 
          ce programme, mais ce sera Leporello qui le remplacera.  
          - En auriez-vous 
          assez du rôle titre? 
          - Il est certain que maintenant, je l’ai suffisamment chanté. (Plus 
          de 300 fois, n.d.l.r.). On a beaucoup philosophé sur ce personnage. 
          Pour moi, c’est essentiellement son dynamisme, sa force expressive et 
          corporelle qui le poussent. Cet opéra est fait pour une salle de 400 
          places, pour qu’on puisse sentir toute la dimension intime du caractère. 
           
          - La pratique 
          du cinéma ne vous influence-t-elle pas dans ce besoin de rapprochement 
          des protagonistes?  
           - Certainement. Mais je dois dire qu’avec le temps, je ressens 
          aussi un besoin naturel de me concentrer sur l’expression plus fine 
          du jeu de scène. L’intensité d’un regard et la délicatesse du changement 
          de couleur d’une intonation sont aussi importants que la puissance et 
          la vocalité pure. 
          - C’est 
          le metteur en scène qui parle?  
          - Peut-être aussi. Il est vrai que je suis plus intéressé par le dénuement 
          scénique et l’épuration visuelle. Le problème, quand on dirige, c’est 
          qu’il faudrait aussi être maître des décors et costumes. La suggestion 
          reste pour moi le plus fort des moteurs. Ce n’est pas en replaçant une 
          œuvre du XVIIIe siècle dans le XXe qu’on la rajeunit. C’est dans l’étude 
          des rapports entre les personnages, et seulement dans ce qui se passe 
          entre eux dans le respect de la musique et du livret, qu’on doit pouvoir 
          renouveler l’approche d’un opéra. Un jeu de lumières très travaillé 
          sur un plateau presque vide doit suffire. 
          - Votre 
          différend avec la direction du Grand Théâtre est un épisode douloureux. 
          Que vous en reste-t-il? 
          - Tout a déjà été dit et écrit sur cette affaire. J’en ai forcément 
          souffert, mais le passé reste ce qu’il est. Je persiste à penser que 
          j’ai eu raison, même si le jugement des prud’hommes est allé en ma défaveur. 
          Le contexte était très compliqué. Mais j’ai toujours beaucoup aimé travailler 
          à Genève et je serais très heureux d’y revenir par la suite, si on m’y 
          réinvite. 
          - Vous 
          avez chanté tous les grands rôles de baryton-basse du répertoire. Reste-t-il 
          des manques dans votre parcours?  
          - Il faudrait que je devienne ténor, mais ça ne me dit rien! Les personnages 
          de ma tessiture, même si ma voix monte avec le temps, sont tellement 
          riches et intéressants, psychologiquement parlant! Je le dis toujours: 
          "les gentils vont au paradis, les méchants vont partout..." Il me reste 
          peut-être Macbeth, mais la tessiture est un peu haute. De toute façon, 
          après trente-cinq ans de chant, je commence à me fatiguer d’apprendre 
          de nouveaux rôles. Après Iago, Falstaff, Scarpia, Boris, Don Carlo et 
          tous les autres, que pourrais-je souhaiter de mieux? La dernière de 
          mes prises de rôles sera sans doute un prochain Fliegender Holländer, 
          et je vais revenir au cinéma avec Tosca, dans un film du Français Benoît 
          Jacquot.   
          - Entre 
          le récital et l’opéra, il existe un fossé. Quelle particularité vous 
          inspire le plus dans chacun des exercices?  
          - Au fond, à travers chaque spécialité, c’est toujours le théâtre qui 
          m’a le plus attiré. J’ai choisi le chant un peu par facilité. J’avais 
          une voix. Je l’ai travaillée, bien sûr, mais c’est elle qui m’a permis 
          d’entrer dans l’univers du théâtre. Avec le récital, on change de personnage, 
          donc de sentiments, d’attitudes et d’expressivité. C’est une activité 
          plus ramassée, mais plus diversifiée aussi. Sur scène, le rôle est développé 
          par l’art de la représentation. On creuse plus loin, jusqu’à parfois 
          se mettre en péril. C’est ce risque et ce bonheur à aller jusqu’au bout 
          de ses capacités musicales et émotionnelles qui me fascinent. Se brûler 
          au jeu demeure le plus excitant des défis. 
          
       
      
      
       
       
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